Comment dois-je coter en AMO une prise en soin d’un patient porteur d’une fente ?

Selon la nomenclature du 1er juillet 2019, vous pouvez coter la prise en soin en tant que « rééducation des fonctions oro-myo-faciales et de l’oralité : AMO 13.5 », si les troubles sont directement liés à la fente.


Quelle fréquence est recommandée pour la prise en soin d’un patient porteur d’une fente ?

Lorsque vous recevez un patient ayant eu une chirurgie du voile, il est préconisé de faire 2 séances hebdomadaires pendant 3 mois afin de mobiliser le voile, d’automatiser les bons mouvements de la phonation et d’aider à l’appropriation de la nouvelle structure anatomique.

Par la suite, selon les progrès du patient et vos objectifs, la fréquence peut être réajustée.

Par ailleurs, n’hésitez pas à faire des pauses thérapeutiques. Les patients porteurs d’une fente ont souvent de nombreux suivis sur plusieurs années et une fenêtre thérapeutique peut être bénéfique. En effet, c’est un bon moyen pour que le patient reste investi dans la rééducation et ainsi éviter l’installation d’une certaine lassitude.  Une pause permet aussi de prendre du recul sur les capacités du patient et de réajuster les objectifs.


Puis-je intervenir de façon précoce chez un patient porteur de fente ?

  • Oui tout à fait ! Il n’y a pas d’âge minimum, tout dépend de la plainte initiale. Il est possible qu’un nourrisson vous soit adressé pour des troubles de la succion et de l’oralité alimentaire, tout comme un jeune enfant vers l’âge de 2-3 ans pour des troubles de la phonation et de l’articulation. Un adolescent ou un jeune adulte peut également vous contacter à la suite d’une reprise opératoire pour une mobilisation et un renforcement du voile ou encore des troubles de la phonation.
  • Néanmoins, le suivi d’un enfant porteur d’une fente est pluridisciplinaire et long. Il faut veiller à préserver la motivation du patient et des parents pour les étapes clefs de la rééducation, souvent situées vers l’âge de 5-6 ans.
  • Vous pouvez proposer une guidance parentale, afin d’accompagner le développement de l’alimentation et du langage, ainsi que de la prévention, pour les troubles de la phonation. Lors des visites au centre de compétence, les parents auront reçu toutes les informations pour accompagner le développement de leur enfant. Il peut être nécessaire de revenir avec eux sur ces informations. (Si vous souhaitez avoir davantage d’information, n’hésitez pas à consulter les fiches destinées aux parents présentes sur le site du CHU de Nantes).

Quels objectifs de rééducation puis-je me fixer, tout en les adaptant au patient ?

  • La littérature indique que le but du suivi orthophonique est l’obtention d’une phonation de type I, selon la classification de Borel-Maisonny (accessible dans la rubrique « Annexes »).

Néanmoins, dans l’exercice clinique les objectifs doivent s’ajuster à la plainte et aux besoins exprimés par le patient. S’il est gêné par sa phonation, une correction du nasonnement et de la déperdition nasale constituera un objectif de travail.

Dans le but de traiter le trouble de la voix, différents axes de travail sont à envisager :

- l’ajustement du débit et de la direction de l’air,
- l’obtention d’une pression buccale suffisante à la production des sons de la parole,
- la correction des mauvais placements articulatoires,
- l’accompagnement du patient dans l’utilisation de sa nouvelle structure anatomique pour améliorer la fonction.

  • Dans le cas où vos objectifs ne sont pas atteints ou si vous rencontrez des limites anatomiques (comme une brièveté vélaire majeure), cela peut constituer une indication de reprise chirurgicale. Ainsi, si vous savez que votre patient a prochainement rendez-vous au centre de compétence, indiquez à l’équipe un plafonnement de l’évolution, c’est une information importante. 

Existe-t-il un risque de mal faire et des exercices à proscrire ?

Non, à l’exception du travail en force ou d’un travail centré uniquement sur les praxies.
 

Faut-il travailler en force ou en douceur ?

Lors des exercices de correction des mauvais placements articulatoires, un travail en douceur est préconisé pour éviter la mise en place de mouvements compensatoires comme des syncinésies ou du forçage vocal. Vous pouvez utiliser la technique de chuchotement (commencer par produire les phonèmes sans voix) ou de l’easy relax approach smooth movement (ERASM) en cas de présence de coups de glotte mais aussi pour travailler sans tension. Cela empêche les cordes vocales de s’accoler brutalement. Il est également recommandé lors d’un travail articulatoire, de commencer par le phonème sourd avant d’introduire le phonème cible sonore.


Faut-il travailler l’articulation ?

  • Si le patient présente un répertoire phonétique incomplet ou si des phonèmes sont déformés, l’articulation devra être spécifiquement travaillée.
  • Dans le cadre de ce travail, l’accent sera mis sur l’identification du son cible, sa discrimination suivie d’une approche articulatoire centrée sur le placement. Quand le phonème sera stable, il devra être transféré dans la parole. Il est généralement conseillé de travailler un seul phonème à la fois et de commencer par les phonèmes sourds, antérieurs et fricatifs puis les phonèmes sonores, occlusifs et enfin les phonèmes postérieurs. Tous seront d’abord travaillés dans des structures simples de type consonne-voyelle puis voyelle-consonne, consonne-consonne-voyelle et consonne-voyelle-consonne avant d’aborder les mots. L’emploi de logatomes peut être utile car il va limiter le conditionnement des comportements de l’enfant.
  • Un travail sur l’articulation doit être couplé à l’utilisation de feedback. (Pour connaître les différents outils voir la question : faut-il travailler la proprioception et la conscientisation ?)

Faut-il travailler les praxies ?

  • Selon la littérature récente (voir les articles suggérés dans la partie « En savoir plus ») les praxies seraient inutiles et n’apporteraient aucun bénéfice aux traitements des insuffisances vélopharyngées. En effet, les mécanismes moteurs de la parole sont différents des praxies. Il serait alors préférable de ne pas les utiliser dans le but d’améliorer la parole mais d’y avoir recours uniquement pour aider le patient à diriger son flux d’air lors de la production des occlusives et pour améliorer la conscience kinesthésique lors de la parole.
  • Bâiller, boire et souffler dans une paille vont mobiliser le voile du palais, mais n’auront pas de répercussions sur la parole du patient. Les mouvements pour la parole sollicitent une aire cérébrale différente des praxies.

Faut-il travailler la proprioception et la conscientisation ?

  • Oui, comme dans de nombreuses rééducations, le patient a besoin de ressentir physiquement sur lui pour retrouver le schéma moteur correspondant au phonème à produire. Pour l’accompagner, vous pouvez fournir des repères tactiles qui lui permettront de conscientiser la position des structures anatomiques mobilisées et leur placement lors de l’émission des phonèmes. Vous pouvez aussi suggérer au patient de placer sa main devant sa bouche pour sentir la présence ou l’absence d’un flux d’air. Enfin vous pouvez demander au patient de se pincer le nez, cette approche permet de ressentir la pression orale attendue mais aussi le passage de l’air par le nez ou non.
  • Lors du travail centré sur l’articulation, il sera intéressant de travailler la discrimination auditive entre ce qui doit être produit et la production réelle du patient. Pour cela, vous avez la possibilité d’enregistrer ou d’utiliser un tube (cf image) reliant les narines à l’oreille (si l’on souhaite se concentrer sur les sons nasaux) ou reliant la bouche à l’oreille (pour ressentir la pression des sons oraux). (Voir les liens vidéo en « Annexes » pour l’utilisation de ces outils.)
  • Vous pouvez aussi faire appel à des feedbacks visuels pour comprendre ce qui est mobilisé lors de la production des sons (voir le lien dans les documents « Annexes » permettant d’observer les mouvements de toutes les structures anatomiques pour chaque son). Vous pouvez utiliser des maquettes, le miroir de Glatzel ou encore de petites boules de cotons pendant la production d’un phonème, comme le /p/, pour visualiser l’air expulsé par la bouche. Enfin, si vous disposez d’un aérophonoscope ou anémosomètre, ces derniers fournissent des retours visuels en direct des productions du patient. Dans la littérature scientifique, d’autres outils sont décrits comme le nasopharyngoscope ou l’électropalatographie.
  • Enfin, n’hésitez pas à fournir des indices verbaux et visuels, tels que les gestes Borel-Maisonny, pour les placements à adopter ou les éléments auxquels il faut penser lors de la production des sons.

Quels exercices proposer pour la mobilisation du voile du palais ?

  • Avant tout de la parole !
  • Un traitement spécifique par la parole aide à tonifier la fermeture vélopharyngée. Cela consiste à dire des mots ou des sons contenant les phonèmes /p/, /t/, /k/, /b/, /d/, /g/ par exemple « plouf, krac, ouk, bof, plic, coin, cocorico ». Faire des alternances rapides entre les voyelles orales et nasales augmentera la vélocité du voile (exemples « ah bon, eh ben, attends, cocon… »). Pour ressentir les mouvements du voile, vous pouvez demander au patient de produire des /papapa/ ou des /mba/ en accentuant le temps de fermeture du [p] et du [b].
  • Des exercices de voix peuvent être proposés afin d’améliorer la résonnance, l’intensité, la prosodie et l’intelligibilité de la parole. Pour cela, le chant peut être un médiateur à la rééducation du voile du palais.
  • Des exercices de gestion du souffle sont préconisés comme la coordination pneumophonique, la pression expiratoire, la relaxation … Enfin, il est recommandé d’employer l’ERASM (l’Easy Relax Approach Smooth Movement) pour lutter contre les attaques dures et pour adopter une voix sans forçage.
  • Le traitement de l’insuffisance vélopharyngée suit les principes d’une rééducation vocale.

Des exercices quotidiens sont-ils nécessaires ?

  • Oui ! pour automatiser il faut que les exercices soient répétés. La maîtrise des mouvements moteurs dépend de la pratique, plus le patient va pratiquer plus ils vont s’ancrer. Plusieurs périodes courtes de travail chaque jour sont à encourager entre chaque séance orthophonique.
  • L’éducation thérapeutique et la guidance parentale permettront d’appuyer et de soutenir l’importance de la régularité des exercices.

Que faire si le patient ne progresse plus ?

Si vous n’observez plus de progression et que vos objectifs ne sont pas atteints, vous pouvez adresser le patient avec une note d’évolution au centre de compétence où il est habituellement suivi. Lors de la consultation avec le chirurgien et l’orthophoniste, l’intérêt d’une opération pourra être évoqué pour permettre une amélioration de la phonation.


Quand dois-je arrêter la prise en soin ?

  • Vous pouvez mettre fin à votre prise en soin lorsque vous jugez que vos objectifs sont atteints ou si le patient ne manifeste plus de plainte.
  • Par ailleurs, si les résultats plafonnent et que les objectifs ne sont pas atteints alors qu’il y a une nécessité d’améliorer la phonation, réorientez vers le centre de compétence qui suit votre patient.