la neurostimulation cérébrale contre les mouvements anormaux

Publié le 30 octobre 2009 Mis à jour le 23 janvier 2014

Nominées aux Victoires de la médecine en 2005, les recherches menées à Nantes par l’équipe dirigée par le professeur Philippe Damier ouvrent de nouvelles perspectives quant aux applications cliniques de la neurostimulation cérébrale profonde.

Pr Philippe Damier et Dr Sylvie Raoul
Pr Philippe Damier et Dr Sylvie Raoul
Découverte par une équipe grenobloise à la fin des années 80, la stimulation cérébrale profonde consiste à moduler des  zones précises du cerveau à l'aide d'électrodes reliées à un pacemaker. Elle a révolutionné la prise en charge de certaines affections comme la maladie de Parkinson. La pose des électrodes est réalisée sous anesthésie locale: "Le cerveau n'est pas sensible et la coopération du patient est indispensable, explique Sylvie Raoul, neurochirurgien. On descend des électrodes d'exploration très précisément, au millimètre près, sur une cible de 4 mm à 5 mm, définie sur l'IRM et éventuellement d'autres outils d'imagerie. Comme la forme des noyaux varie légèrement d'un patient à l'autre, les neurologues interviennent en appliquant une stimulation sur ces électrodes pour identifier, progressivement, le meilleur emplacement pour poser l'électrode définitive."

La neurostimulation est aujourd'hui validée et appliquée de façon classique dans les tremblements et la maladie de Parkinson. Mais son intérêt pour d'autres troubles du mouvement était à démontrer.

L'équipe nantaise dirigée par le professeur Philippe Damier a lancé en 2001 une étude sur son application dans le cas de mouvements anormaux provoqués par les neuroleptiques, des médicaments utilisés en psychiatrie: "Ces médicaments peuvent générer des mouvements involontaires extrêmement invalidants qui peuvent perdurer sans solution thérapeutique, même après l'arrêt du traitement. C'est d'autant plus difficile à vivre qu'il peut s'agir de patients pour lesquels l'usage de neuroleptiques n'était pas indispensable."

Les CHU de Lyon, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Marseille, Toulouse sont les autres centres participant à ce protocole dont le CHU de Nantes est promoteur. L'objectif est d'opérer vingt patients répondant à des critères de sélection stricts. A ce jour, quatorze personnes sont entrées dans l'étude. Une première analyse sur les dix premiers opérés après six mois de traitement montre une amélioration de leur état de 40 % à près de 100 %. Le traitement s'est en outre révélé bien supporté sur le plan psychiatrique.

Durant l'intervention dans cette indication, les neurologues vérifient surtout que la neurostimulation n'entraîne pas d'effets indésirables. Le dysfonctionnement des cellules nerveuses qui est à l'origine des mouvements anormaux sera corrigé ensuite, progressivement et très finement, par un réglage à distance du voltage du stimulateur. "Le gros avantage de cette technique, souligne Philippe Damier, c'est qu'elle est réversible. Quand on arrête le stimulateur, le patient revient à son état initial, ce qui est un avantage certain si des effets indésirables surviennent."
D'ici fin 2006, six autres malades seront opérés, avec une évaluation à six mois en "double aveugle" qui permet de mesurer objectivement l'effet de la stimulation. Son efficacité prouvée, les résultats publiés, la technique pourra être validée et généralisée pour cette indication.
la pose des électrodes est réalisée sous anesthésie locale

Les mouvements anormaux provoqués par les neuroleptiques concernent un petit nombre de patients en France. Mais l'étude en cours peut intéresser d'autres types de pathologies. "Sur le plan des troubles moteurs provoqués par les neuroleptiques, très variés d'un patient à l'autre, l'étude que nous menons  fournit des indications extrêmement riches, ajoute Philippe Damier. Elle nous apprend aussi beaucoup sur les effets psychiatriques indésirables possibles de cette technique. Au-delà du résultat clinique, on comprend donc mieux la technique, ce qu'elle fait. De nouvelles indications pourront en être issues pour corriger des maladies neurologiques et même des affections psychiatriques." Le centre de Nantes participe ainsi dès à présent à un protocole sur le traitement par neurostimulation des troubles obsessionnels compulsifs sévères qui donne de premiers résultats encourageants. Des protocoles démarreront dans les prochaines années pour traiter d'autres pathologies comme la dépression sévère, les suites de traumatismes crâniens, de souffrances infantiles, mais peut-être aussi l'obésité, l'anorexie...

L'équipe nantaise comprend aussi les professeurs Youenn Lajat, Pascal Derkinderen, et les docteurs Mirela Faighel, , Elisabeth Auffray-Clavier. La coordination de cette étude multicentrique française est assurée au sein du CIC par Séverine Le Dily.

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