Marguerite-Angélique Le Boursier Du Coudray

Publié le 21 avril 2011

Sage-femme, Marguerite-Angélique Le Boursier du Coudray a parcouru la France pendant 25 ans pour enseigner les techniques d'accouchement difficile.

Mme du Coudray
Mme du Coudray
"Vous trouverez sa personne ridicule par la haute estime qu'elle a d'elle-même [...] l'essentiel c'est qu'elle donne des leçons utiles, et je crois que les siennes le sont beaucoup".
Turgot en 1765.

Marguerite-Angélique Le Boursier Du Coudray est née à Clermont-Ferrand en 1712. En 1737 elle se rend à Paris pour faire son apprentissage d'accoucheuse. Elle passe alors ses deux années de formations auprès d'Anne Bairsin "jurée sage-femme" du Châtelet de Paris, une référence à l'époque. Elle est diplômée en 1739 et devient à son tour "jurée sage-femme" en février 1740. Mme Du Coudray s'établit alors à Paris où elle travaille durant une quinzaine d'année avant d'être contactée par M. Thiers (un seigneur auvergnat), lequel la sollicite afin de revenir au pays pour y accoucher de pauvres femmes "qui ont tant besoin de secours" et pour y former des élèves.

Elle accepte et commence à travailler comme sage-femme gagée en 1755. C'est lors de ses missions dans de lointaines paroisses rurales que Marguerite est bouleversée par ce qu'elle voit et ce qu'elle entend: en effet, les femmes se confient à elle et lui font partager les infirmités dues aux accouchements mal maîtrisés. Elle décide de changer les choses, mais comment apprendre à ces matrones "incultes et superstitieuses" à reconnaître l'accouchement qui va poser problème et qui entraine souvent la mort de l'enfant ou de la mère?

Elle effectue une première tentative: elle tente de former des matrones auvergnates en utilisant le discours scolaire et scientifiques qu'elle a elle-même reçu: c'est un échec. En effet, les matrones ont l'esprit accoutumé à tout saisir par les sens, plus que par le discours. "C'était à leur yeux, à leur mains, rapporte-t-elle, qu'il fallait parler, en y ajoutant de la patience et de la douceur".

Les "machines"
Changeant alors sa manière d'aborder l'enseignement, elle entreprend d'instruire des accoucheuses à l'aide de "machines" qu'elle a elle-même mis au point accompagné d'une méthode de formation qu'elle va progressivement perfectionner. Notons que pour réaliser ses propres "phantômes" (sortes de mannequins représentant le bassin d'une mère ainsi que son bébé), elle s'est inspirée de machines déjà existantes à Paris depuis les années 1730, comme celle du célèbre accoucheur de l'époque Grégoire. Ainsi  Mme du Coudray, forte de sa double expérience d'obstétrique savante et de pratique en milieu rurale fonde une nouvelle pédagogie de l'accouchement. Elle ne rompt pas avec le type d'enseignement des matrones traditionnelles puisque ces dernières fondent comme Marguerite leur apprentissage sur le vécu et l'usage de la main. A cela elle ajoute quelques connaissances anatomiques élémentaires, et elle tempère la précipitation des accoucheuses. Elle aide ainsi à anticiper les cas difficiles et à éviter les fautes tragiques.

Des cours dans tous le royaume
Mme du Coudray sait que pour que son action soit efficace, il lui faut l'appui de l'administration. Dans les années 1760, la sauvegarde des populations et le taux de natalité est un sujet pris très au sérieux par les autorités. L'intendant accepte qu'elle donne des cours dans l'ensemble de la province. En octobre 1759, elle se voit attribuer un brevet royal, ce dernier l'autorise et l'aide financièrement à enseigner sur l'ensemble du royaume français. C'est alors qu'à près de 50 ans, Mme du Coudray commence une longue tournée nationale qui durera 25 ans. Durant ces années de voyage, elle s'entoure de sa nièce Marguerite Guillomance dès 1768, puis d'un jeune chirurgien, M. Coutanceau pour la seconder en 1770 (ce dernier épousera par la suite Mlle Guillomance). Enfin, en 1783, elle se retire à Bordeaux où elle termine sa vie. Elle décède en 1791.

Au total, elle a pu former 5.000 accoucheuses en 25 ans, ainsi que de nombreux futurs démonstrateurs qui continueront après son départ son enseignement.

Face à ce succès global, on peut néanmoins soulever les problèmes rencontrés par Mme du Coudray. Cette dernière est souvent rentrée en conflit avec les chirurgiens qui se sentaient lésés dans leur mission. De plus, suivre l'enseignement prodigué par une femme augmentait les réticences à l'époque. Enfin son caractère arrogant et son attrait pour l'argent ne facilitait pas la bonne réception de son discours par les chirurgiens.

Passage à Nantes
A Nantes, Mme Du Coudray est passée en avril 1776. Elle a permis au maître chirurgien Godebert (1730-1799) de s'instruire lors d'un stage de 15 jours à la manipulation d'un « phantôme » avec certains autres confrères chirurgiens. Néanmoins Sieur Etienvrin n'a lui pas jugé nécessaire d'assister à cette formation.
Les officiers municipaux s'étaient montrés tellement ravis du passage de Mme Du Coudray qu'ils lui ont acheté deux phantômes pour la somme de 300 livres : le premier pour les futurs cours d'accouchements, le deuxième pour servir de matrice afin de refaire des pièces qui s'useraient lors des manipulations de cours. Enfin ils accordèrent une prime de 3 à 400 livres à Mme Du Coudray.

Ainsi le passage de Mme Du Coudray à Nantes a permis de créer un cours d'accouchement dirigé par Godebert avec l'aide du phantôme de Marguerite-Angélique. Dès 1781, Godebert dresse un tableau encourageant des résultats obtenus par les femmes ayant suivi sa formation...